Danielle Mérian : « la communauté internationale a adopté le terme droits humains pour envelopper dans une même égalité les femmes et les hommes »

11
déc

Danielle Mérian sur BFM TV

Danielle Mérian sur BFM TV

Hier, 10 décembre, Danielle Mérian prenait la parole dans le cadre de la Dernière Journée des droits de l’Homme organisée par le collectif Droits humains pour tou-te-s. Ce collectif vise à obtenir le remplacement de « droits de l’Homme » par « droits humains » dans la terminologie française. Il demande notamment que la journée du 10 décembre soit renommée Journée internationale des droits humains. Danielle Mérian est signataire de l’Appel du collectif. Vous pouvez aussi signer la pétition.

#DroitsHumains   @cdroitshumains   @daniellemerian

« Je m’appelle Danielle Mérian. Je suis née en 1938 sous le régime d’esclavage de l’incapacité juridique de la femme mariée, créé par Napoléon. De 1804 à 1938 la femme mariée était une incapable majeure, traitée comme les enfants, sans droits. De 1804 à 1938 peu de femmes se sont révoltées contre un tel statut. Les suffragettes ont cru qu’avec le droit de vote elles feraient changer la loi et ne se sont pas attaquer à la loi elle-même.

J’ai eu la chance de naître dans une famille de lettrés et de baigner parmi les livres. Néanmoins mes parents quoique brillants mettaient mon frère aîné au-dessus de tout au pinacle et sur un piédestal comme dans de nombreuse familles où les garçons étaient préférés aux filles.

Je suis donc devenue dès la petite enfance une féministe : je criais dans le désert : le siège de l’intelligence n’est pas dans le zizi.

Je suis donc devenue avocate, la voix des sans voix. J’ai connu tous les combats féminins de la 2ème moitié du XXe siècle.

Mariée en 1961 je devais obéissance à mon mari qui détenait la puissance maritale.

Au premier banquier qui m’a demandé l’autorisation de mon mari pour m’ouvrir un compte bancaire j’ai répondu : ou vous prenez mes sous ou je traverse le boulevard et je vais chez le concurrent. Il m’a ouvert un compte.

Quand nous avons enfin eu le droit à la contraception je demande la pilule au gynécologue qui me répond qu’il faut faire des enfants; je lui ai dit : occupez-vous de votre femme et je l’ai planté là.

Quand je me suis inscrite au Barreau mon bâtonnier m’a contrainte à porter deux noms SAVARIT-MERIAN. Un an plus tard j’ai saisi le prétexte de pièces perdues pour aller lui dire que désormais je m’appellerai à nouveau Danielle Mérian. Il me dit : je vous l’interdis. Je lui répond : Monsieur le Bâtonnier je suis devenue avocate pour que nul jamais ne me donne un ordre.

C’est dire assez que les droits humains pour moi ont commencé par les droits des femmes.

Et mon dernier combat, la présidence de SOS AFRICAINES EN DANGER, est au profit de la première génération de femmes africaines qui se révoltent contre deux crimes, l’excision, une torture de tous les instants tant qu’on n’est pas réparée, et le viol conjugal, mariées de force qu’elles sont dans l’enfance à des vieillards. Elles fuient en France et militent contre l’excision et le mariage forcé en Afrique. Elles vivent dans la hantise qu’au village on excise leur fille. Les Africaines en Danger ce sont leurs filles au pays. Elles ont fui en France, pays des Droits de l’Homme.

Parlons-en : les autorités françaises se gargarisent de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, certes immortelle et qui a fait le tour du monde, et qu’on ferait bien d’appliquer, ici en France aujourd’hui. Mais c’est oublier qu’en 1791 Olympe de Gouges publiait un copié-collé : la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne, et que pour cette audace elle montait immédiatement sur l’échafaud. Dans mon édition de l’Encyclopédie UNIVERSALIS de 1985 Olympe de Gouges ne figure pas.

Depuis 1993 la communauté internationale a adopté le terme droits humains pour envelopper dans une même égalité les femmes et les hommes. Il est temps que la France abandonne cette exception française, soit plus modeste, abandonne droits de l’Homme, et adopte comme tout le monde DROITS HUMAINS. »

Avocate féministe, Danielle Mérian est membre de l’ACAT (Association chrétienne pour l’abolition de la torture) depuis 1975. Elle s’est impliquée sur de très nombreuses affaires : disparus d’Argentine, abolition de la peine de mort, condition des prisonniers en France. Elle est actuellement particulièrement impliquée dans l’association SOS Africaines en danger, dont elle est la présidente, qui combat l’excision et le mariage forcé.
La prise de parole de Danielle Mérian, au lendemain des attentats du 13 novembre, sur BFM TV, a largement ému le grand public.

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