Les implications légales de l’utilisation des données biométriques : enjeux et perspectives

Le développement rapide des technologies de l’information et de la communication a conduit à une augmentation exponentielle de la collecte, du stockage et de l’exploitation des données personnelles. Parmi ces données, les données biométriques présentent un caractère particulièrement sensible, car elles renvoient à des informations uniques et immuables, propres à chaque individu. L’utilisation croissante de ces données soulève donc d’importants enjeux juridiques et éthiques, qui nécessitent une attention particulière.

1. Les données biométriques : définition et typologie

Les données biométriques sont définies comme les informations relatives aux caractéristiques physiques, physiologiques ou comportementales d’une personne. Elles permettent d’établir l’identité ou de vérifier l’authenticité d’un individu, grâce à la comparaison des données collectées avec celles stockées dans une base de référence.

La biométrie regroupe différentes catégories de données, telles que :

  • les empreintes digitales,
  • le réseau veineux du doigt ou de la main,
  • la géométrie faciale,
  • l’iris ou la rétine,
  • la morphologie de l’oreille,
  • la dynamique dactylographique (vitesse et pression de frappe au clavier),
  • la démarche ou la gestuelle.

2. Le cadre juridique applicable à l’utilisation des données biométriques

La collecte, le traitement et l’exploitation des données biométriques sont encadrés par plusieurs textes législatifs et réglementaires, tant au niveau national qu’international :

  • le Règlement général sur la protection des données (RGPD), applicable dans toute l’Union européenne depuis le 25 mai 2018,
  • la loi Informatique et Libertés, qui transpose en droit français les dispositions du RGPD,
  • des législations spécifiques, comme la loi relative à la sécurité intérieure ou celle sur la biométrie dans les transports.

Ces textes posent des principes fondamentaux en matière de protection des données personnelles, tels que :

  • la licéité, la loyauté et la transparence du traitement,
  • la limitation des finalités,
  • la minimisation des données,
  • l’exactitude,
  • la limitation de la conservation,
  • l’intégrité et la confidentialité.

Ils imposent également aux responsables de traitement de mettre en œuvre des mesures techniques et organisationnelles adéquates pour assurer la protection des données biométriques, en tenant compte notamment du risque pour les droits et libertés des personnes concernées.

3. Les conditions d’utilisation licite des données biométriques

Le traitement des données biométriques est soumis à des conditions particulières, en raison de leur caractère sensible. En effet, le RGPD prévoit que le traitement de ces informations est interdit, sauf dans certains cas limitativement énumérés :

  • lorsque la personne concernée a donné son consentement explicite,
  • lorsque le traitement est nécessaire à l’exécution d’un contrat auquel la personne concernée est partie,
  • lorsque le traitement est nécessaire au respect d’une obligation légale,
  • lorsque le traitement est nécessaire à la sauvegarde des intérêts vitaux de la personne concernée ou d’une autre personne physique,
  • lorsque le traitement est nécessaire à l’exercice ou à la défense d’un droit en justice.

En outre, les responsables de traitement doivent veiller à respecter des garanties spécifiques, telles que :

  • la réalisation d’une analyse d’impact sur la protection des données (AIPD), préalablement à la mise en œuvre du traitement,
  • la désignation d’un délégué à la protection des données (DPO), chargé de veiller au respect des règles applicables,
  • le recours à des techniques de pseudonymisation ou d’anonymisation, pour limiter les risques liés au traitement.

4. Les sanctions encourues en cas de non-respect du cadre juridique

Les violations des règles applicables aux données biométriques sont passibles de sanctions administratives et pénales. Les autorités de contrôle, comme la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) en France, peuvent prononcer des amendes administratives pouvant atteindre jusqu’à 4% du chiffre d’affaires annuel mondial ou 20 millions d’euros, selon le montant le plus élevé.

En outre, les personnes concernées peuvent intenter des actions en justice pour obtenir réparation du préjudice subi du fait du traitement illicite de leurs données biométriques. Les responsables de traitement encourent alors des condamnations civiles et pénales, pouvant donner lieu à des dommages-intérêts et à des peines d’emprisonnement.

5. Les perspectives d’évolution du cadre juridique

Face aux défis posés par l’utilisation croissante des données biométriques, les législateurs sont appelés à adapter le cadre juridique existant. Plusieurs pistes peuvent être envisagées :

  • le renforcement des garanties procédurales,
  • l’encadrement plus strict des conditions d’accès aux bases de données biométriques,
  • la promotion de normes techniques et éthiques en matière de biométrie,
  • la sensibilisation et la formation des acteurs impliqués dans la collecte et le traitement des données biométriques.

L’adaptation du cadre juridique doit ainsi permettre de concilier les enjeux liés à la sécurité, à l’innovation et au respect des droits fondamentaux des personnes concernées.